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mardi 10 avril 2012

Lascaux, l'Espace et le Temps de Norbert Aujoulat

 Lascaux, l'Espace et le Temps de Norbert Aujoulat.

«Pendant une dizaine d'années j'ai eu l'intense privilège d'effectuer des recherches sur l'art pariétal de la grotte de Lascaux. Le travail achevé je m'attardais quelques instants, soit au pied des Grands Taureaux de la Rotonde, soit sur les marches qui précèdent l'accès à l'Abside. C'est pendant ces brefs instants que le contact avec ce monde si particulier était le plus émouvant, que l'imaginaire venait à ma rencontre, imperceptiblement d'abord, pour ensuite me submerger, au point que certains jours il me fallait écourter cette contemplation tant l'émotion suscitée par ces témoignages me déroutait. Lascaux tire sa puissance suggestive de la présence permanente de l'image: quel que soit le site d'observation, un animal vous regarde, vous interroge. Aurochs, chevaux, cerfs, bisons et bouquetins sont de l'homme. De l'entrée jusqu'au tréfonds de la grotte se déroule le grand livre des mythologies premières, leurs fondements mêmes, avec comme thème central la création de la vie, et, au-delà, la genèse du monde.»
N.A.

Éditeur : Seuil

vendredi 20 janvier 2012

Les magdaléniens, cartographes de talent


Les magdaléniens, cartographes de talent par Rosa M. Tristan.

Au terme d’un patient travail d’interprétation, des préhistoriens espagnols ont décrypté les gravures figurant sur une pierre trouvée en Navarre : il s’agit d’une carte.

Il y a 13 660 ans, des chasseurs ­no­mades qui vivaient probablement sur l’actuel territoire français et qui franchissaient régulièrement les Pyrénées en quête de proies furent les auteurs de ce qui est présenté aujourd’hui comme le premier tracé cartographique découvert en Europe de l’Ouest.

En plein magdalénien [dernière époque du paléolithique supérieur], ces hommes s’abritaient dans la grotte d’Abauntz, en Navarre : c’est là que l’un d’entre eux entreprit de graver sur un morceau de marne (pierre dure à l’intérieur, mais molle à l’extérieur) le panorama qui se déployait devant lui au-dehors, indiquant les montagnes, les rivières, les gués et ponts permettant de traverser les cours d’eau, les zones inondables et celles où se trouvaient le plus souvent les animaux qu’ils chassaient.

La découverte et le déchiffrement de ce trésor cartographique, annoncés dans la revue Journal of Human Evolution, sont le fruit de la détermination de l’équipe de la paléontologue Pilar Utrilla, de l’université de Saragosse. Les scientifiques ont trouvé avec cette carte deux autres objets d’une grande valeur : une lampe à huile en pierre taillée, sur laquelle sont également gravées des scènes de chasse, et une autre pierre représentant la tête d’un cheval, qui n’a pas encore été rendue publique. “Il s’agissait certainement de nomades qui venaient chasser dans la vallée de l’Ebre et ont fait un croquis de tout ce qui pouvait avoir un intérêt pour leurs visites suivantes – ou pour ceux qui viendraient après eux. Une sorte de carte au trésor où ils signalaient les repères clés à ceux que cela pouvait intéresser”, explique la paléontologue aragonaise.

La surface de la pierre ressemblait à du charabia

Le décodage des dessins a pris beaucoup de temps. Les pierres, raconte Pilar Utrilla, ont été découvertes dans la grotte en 1993, au cours de fouilles sur lesquelles elle travaillait depuis près de vingt ans. Elles se trouvaient dans une strate que l’on a pu dater (grâce à un échantillon de carbone) de la dernière période du magdalénien, soit environ 1 500 ans après la réalisation des peintures des grottes d’Altamira. Au départ, c’est la perspective figurant sur les deux pierres qui a attiré ­l’attention : les dessins d’animaux au premier plan étaient plus nets, ceux du fond plus schématiques.

Le bloc n° 1 (la carte) se trouvait près d’un ancien foyer, non loin duquel on a trouvé plusieurs burins en pierre ayant servi à la gravure, ce qui a permis de déduire que les dessins avaient été réalisés sur place. Mais la surface de la pierre ressemblait à un charabia qu’on n’a longtemps pas su interpréter. Mais, un jour, par hasard, alors qu’elle observait la photo d’une partie de la pierre, Pilar Utrilla s’est rendu compte que l’une des figures ressemblait au profil du Monte San Gregorio, situé précisément en face de la grotte. Retournant sur place, les chercheurs crièrent eurêka : sur la pierre étaient gravés le fleuve et ses affluents, la plaine inondable, les cerfs qui se trouvaient – comme de juste – sur les terrains plats, les chèvres dans les montagnes, et les chemins représentés par des points de suspension. On peut voir, près des têtes des biches, des demi-cercles qui pourraient bien représenter le brame des mâles entendant leurs femelles ou flairant un danger, et que l’on observe sur d’autres objets retrouvés en Cantabrie. Des cercles plus profonds marquent les lieux où l’eau était présente ou bien où trouver des silex. On voit même une silhouette humaine stylisée, qui fut le dernier dessin réalisé.

De fait, le travail a consisté notamment à déterminer la chronologie des superpositions des différentes “couches” de dessins, afin d’en comprendre le processus d’élaboration. “En Europe de l’Est, on a trouvé des morceaux d’os sur lesquels semblent être représentés des paysages : sur l’un d’eux, découvert en Moravie (République tchèque), on peut voir un fleuve et ses méandres. Mais, en Europe de l’Ouest, ce n’est que dans de très rares cas que l’hypothèse des paysages est plausible et elle fait l’objet de débats, comme dans le cas du bâton trouvé dans la grotte d’El Pendo, en Cantabrie, explique Pilar Utrilla. Notre découverte est incontestablement l’exemple le plus net d’une volonté de tracer une carte qui aide à s’orienter d’autres chasseurs, qui, comme ses auteurs, allaient chercher des peaux jusque dans cette région.” Ce sont les talents de cartographes de nos ancêtres que vient de révéler l’équipe de la paléontologue.

Télécharger la carthographie

Suite, illustrations et source : Courrier International